Le gouvernement sénégalais vient de franchir un cap décisif dans sa politique de transformation numérique. À l’occasion du lancement de la Semaine nationale de l’état civil, organisée le 18 novembre 2025 à Kothiary, dans la région de Tambacounda, le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement du territoire, Balla Moussa Fofana, a appelé toutes les communes du pays à cesser immédiatement l’usage de logiciels privés ou d’applications non certifiées pour la gestion des registres d’état civil
Le ministre a tiré la sonnette d’alarme sur les risques que représentent des plateformes grand public comme WhatsApp, Gmail ou Hotmail, qui sont encore utilisées dans certains centres. Il a averti que ces outils, non sécurisés, exposent les données des citoyens à des risques d’intrusion, de falsification ou de suppression, ce qui pourrait engendrer de graves conséquences, notamment en matière de fraudes identitaires ou de conflits d’état civil.
Cette directive intervient alors que l’Agence nationale de l’état civil (ANEC) poursuit le déploiement d’un système de gestion centralisé, dans le cadre d’un vaste programme de modernisation. À ce jour, 400 des 600 centres d’état civil du pays ont été connectés à cette plateforme nationale, qui centralise déjà plus de 20 millions de données. Le système est non seulement sécurisé, mais interconnecté avec une base de données centrale. Il permet aussi d’automatiser le traitement des actes et d’améliorer leur fiabilité.
En parallèle, l’ANEC introduit de nouveaux outils digitaux à destination du public et des acteurs de terrain. Parmi eux, une plateforme de services en ligne permettra aux citoyens de faire certaines démarches à distance, tandis qu’un module destiné aux centres de santé, aux chefs de village et aux représentants de quartier facilitera la déclaration des naissances et des décès.
Cette réforme s’inscrit dans le cadre du « New Deal technologique », la stratégie numérique du Sénégal à l’horizon 2034. Le pays ambitionne de numériser 90 % de ses services publics, tout en renforçant sa souveraineté numérique et sa cybersécurité.
Ce dernier point est loin d’être secondaire : en 2024, le Sénégal a détecté et bloqué plus de 10 millions de cyberattaques, selon les chiffres de Kaspersky. Le rapport de la firme de cybersécurité indique que les cas de vols de mots de passe ont doublé en un an, atteignant 72 000 incidents, tandis que les attaques par exploitation de failles logicielles ont aussi fortement progressé, frôlant les 300 000 cas. Plus de 600 000 tentatives d’intrusion via le protocole RDP ont également été enregistrées.
Face à cette montée des menaces, la mise en place d’un système unique, contrôlé et sécurisé pour l’état civil s’impose comme une mesure de protection urgente, mais aussi comme une avancée structurelle vers une administration publique moderne, fiable et résiliente.
